Zydeco

Au début du XXème siècle, quelques noirs, alors appelés créoles, adoptèrent les instruments de cajuns, le violon et l'accordéon. Amédée Ardoin, par exemple, joua avec Dennis Mc Gee et fut le premier cajun noir à enregistrer un disque, "La Valse de Gueydan". Mais les noirs intégrèrent vite les sons du blues du Delta voisin ainsi que des éléments rythmiques : d'abord des claquements de mains, puis des cuillères et finalement la fameuse 'planche à laver' (ou 'frottoir'), qu'ils frottaient avec une petite cuillère ou un ouvre-boîtes. La bonne entente des blancs et des noirs ne va pas résister à la montée de la ségrégation. Les affrontements entre les deux communautés vont se généraliser. Du coup, la musique des noirs va s'écarter de plus en plus de celle des blancs.

Ce style de musique chantée en français et largement inspiré du blues et du rhythm and blues fut brièvement appelé 'La La Music' vers la fin de la deuxième guerre mondiale. Puis une nouvelle appellation fut adoptée, Zydeco (prononcez 'zarico'), d'après certains selon un mot africain, mais plus certainement selon la phrase française "les haricots sont pas salés" (référence à une période rude où il n'y avait pas assez de sel pour cuisiner les haricots !). Ce zydeco a, bien sûr, son origine dans la musique cajun, mais le rapprochement avec les autres musiques noires du moment va lui procurer une identité. La guitare électrique ey le saxophone sont ajoutés à l'orchestre, et l'utilisation de l'anglais prend de l'ampleur.

Bien que la première chanson apparentée au zydeco, "Bon Ton Roula", soit le fait de Clarence Garlow en 1950, Clifton Chénier est considéré comme l'inventeur du zydeco; il en sera également la plus grande vedette.

Clifton Chénier commença à chanter et à jouer de l'accordéon, avec son frère Cleveland à la planche à laver, dans les environs de Lake Charles, où ils travaillaient. En 1954, ils enregistrèrent leur premiers titres, "Clifton's Blues" et " Louisiana Stomp", dans une station de radio locale. Le disque se vendit si bien qu'il fut cédé à Imperial. La machine était lancée.

 

"Eh Tite Fille" et "Boppin' The Rock" furent édités par Specialty et Clifton Chénier se retrouva vite en tournée avec les vedettes de blues et de rhythm and blues de l'époque. Mais les années 60 seront difficiles. Il s'installera à Houston où il se produit dans les petits clubs d'un quartier appelé Frenchtown ! Redécouvert grâce à Lightnin' Hopkins, Clifton Chénier va de nouveau pouvoir enregistrer. Dès lors, le succès ne le quittera plus. Pendant vingt ans il va jouer son zydeco, qu'il s'agisse de blues, de chansons en français ou des tubes soul du moment. Le "Roi du Zydeco" devint le héros de tout un peuple, jouant notamment en Europe, en Angleterre, au festival de Montreux ou en France où il adorait se rendre. Chénier est décédé en décembre 1987. Lors de son enterrement, son fils, C. J. Chénier, repris la direction de son orchestre, le Red Hot Louisiana Band pour un dernier adieu. Depuis, dépositaire de cette musique, il poursuit, magnifiquement, l'œuvre de son père.

 

 

De façon ironique, le zydeco prit vraiment de l'ampleur peu de temps avant la disparition de Clifton Chénier, son créateur. La chanson "My Toot Toot" de Rockin' Sidney fut un énorme tube tant aux U.S.A. qu'ailleurs dans le monde et particulièrement au Portugal, en Espagne et en France. Il sera même repris par de multiples artistes très connus, dont Fats Domino et Denise LaSalle.

 

 

Depuis le zydeco ne peut plus être ignoré, et des artistes, jusqu'alors plutôt confidentiels, ont obtenus une renommée internationale, et de jeunes talents, noirs ou blancs, n'hésitent pas à s'engager dans cette voie, en y intégrant souvent des éléments de la musique noire américaine moderne : soul, disco, danse, rap,…

 

Queen Ida deviendra la "Reine du Zydeco" et obtiendra un Grammy; Buckwheat Zydeco (Stanley Dural) sera l'un des premiers à signer avec une grande maison de disques et jouera avec des stars du rock; Rockin' Dopsie, Boozoo Chavis, Nathan & The Zydeco Cha-Chas, John Delafosse, Terence Simien, Fernest Arceneaux, Joel Sonnier, Wayne Toups & Zydecajun, Steve Riley & The Mamou Playboys, Lynn August, Beau Jocque, Joe Walker, Rosie Ledet ou, bien sûr, C. J. Chénier sont tous les héritiers du Roi Clifton, qui aimait à dire à son public que "si vous ne pouvez pas danser le zydeco, c'est que vous ne pouvez pas danser, point c'est tout !".

Buckwheat Zydeco

Rockin' Dopsie

C. J. Chénier